La recherche-création est une posture de dialogue entre des épistémologies distinctes : celle de la réalisation artistique et celle de la réflexion théorique scientifique. Avant tout, elle vise une compréhension critique de la société sur une base participative et conteste la posture du chercheur comme unique expert du savoir. La recherche-création postule que la complexité du monde contemporain requiert de nouveaux langages : celui des émotions et des corps.
Arménio Julie
Le corps comme créateur de savoirs
Je cherche à révéler la “poélitique” des villes. Je m’ancre intimement dans les lieux, je les considère, je les éprouve et je m’y accorde afin de créer dans et avec les lieux. Nourrie de recherches fondamentales et collectives, je mets en mouvement les corps et les pensées que je rencontre. Je crée des ponts entre recherche et création avec notamment des enseignantes chercheuses en géographie critique et avec lesquelles je co-publie. Je nomme mon art comme déclencheur.
« Les corps sont des palimpsestes de savoirs. Chaque geste, chaque trace que l’on porte est la marque d’un apprentissage, d’une sociabilité, d’un échange. Tous les corps ont quelque chose à dire du monde, et pourtant, l’accès aux savoirs reconnus est inégalement réparti. (…) La réponse à la question requiert de passer par les corps. (…) Puisque l’imaginaire collectif est perpétuellement incorporé, puisque l’expression des corps peut être à la fois aliénante et libératrice. Faire usage de la création pour révéler, conscientiser et redonner un accès libre aux savoirs des corps. »
Lise Landrin et Julie Arménio
Eloïse Bourgeon
L’intime en performance, de la démarche de création à la transgression “entre”
Je pense résolument que nos corps sont des boîtes de Pandore, qu’une partie infime en est seulement visible. C’est rendre visible l’invisible, mettre en lumière les mouvements souterrains de nos corps en passant par une physicalité et un épuisement corporel pour témoigner de l’authenticité qui m’anime. Durant mes études, j’ai incorporé différentes pratiques pour les faire miennes et les utiliser comme outils. En réalisant deux mémoires de recherche pendant mon master, je me suis rendue compte que non seulement j’aimais avoir une réflexion sur mon propre travail mais aussi que je tentais d’épuiser un sujet que j’affectionne tout particulièrement pour en saisir chaque composant, chaque détail.
Mes activités artistiques ont toujours été liées à la médiation, c’est-à-dire le lien entre l’artiste et l’œuvre. Je me suis formée directement dans le vif du sujet en accompagnant des projets entre professionnel·le·s et amateur·e·s. Comment embarquer des participant.e.s dans une création qui ne vient pas d’elleux ? C’est cette liberté que l’on peut trouver dans la contrainte qui m’intrigue et m’inspire faisant d’elle le point d’ancrage de ma recherche-création. J’ai toujours su prendre du recul et avoir un regard critique sur les projets que j’accompagnais et que je produisais en essayant d’allier analyse et perspective.
Je m’appuie sur les sciences sociales et la philosophie pour nourrir mes créations, notamment les études sur le genre et le lien entre désir/résister porté par quelques chercheur·euse·s. Être dans la charnière, interroger les espaces entre, éclairer les interstices, c’est là que je trouve ma place en tant qu’artiste, médiatrice, chercheuse.